Le guide du lâcher prise par un ancien maniaque du contrôle

Si tu n'arrives pas à lâcher prise, c'est parce que tu as peur de perdre le contrôle.
Dès que tu sens que le cours des choses t'échappe, tu stresses, tu te débats, et si ça continue, tu paniques.
Comme si tu te noyais...

Comme si tu perdais pied.
Et c'est normal : la perte de contrôle est l'un des 4 déclencheurs de la peur.

Si tu as autant de mal à lâcher prise, c'est parce qu'il y a une partie de toi qui refuse de lâcher prise. Cette partie s'est formée en réaction à un ou plusieurs événements difficiles que tu as vécus, et elle a voulu te défendre contre les émotions difficiles associées.

Son mécanisme de défense ?

Chercher à tout contrôler, tout anticiper pour pouvoir réagir à toute situation.
Ne plus jamais se laisser surprendre. Plus jamais.

Cette partie a besoin d'être rassurée que son rôle n'a plus lieu d'être pour pouvoir lâcher prise.
Mais si tu as autant de mal à lâcher prise, c'est aussi parce que tu cherches à contrôler ce qui ne peut pas l'être.


Le lâcher prise, ce n'est pas...

Soit on cherche à tout contrôler, soit on essaie de lâcher prise. Mais quand on le fait, on s'y prend souvent mal :

  1. On se force à lâcher prise (mais tout en nous nous crie de s'accrocher)
  2. On renonce à ce qu'on veut (et on devient amer ou aigri)
  3. On devient indifférent à ce qui nous fait mal (mais aussi à tout ce qui rend la vie belle)

Le lâcher prise, ce n'est pas...

Chercher à contrôler ce que tu ne peux pas contrôler.

La météo par exemple :
Si tu organises ton mariage, tu ne peux pas contrôler s'il fera beau temps ou non. Ça ne sert donc à rien de t'angoisser là-dessus. Par contre, tu as du contrôle sur le fait de prévoir de quoi s'abriter et continuer la fête en cas de pluie.

Confondre tes attentes et la réalité.

Quand tu as des attentes, quand tu as de l'espoir, tu espères que la réalité sera d'une certaine manière (et pas d'une autre). Et comme la réalité est imprévisible, elle n'en fait souvent qu'à sa tête, tu as de grandes chances d'être déçu.
D'une certaine manière, l'espoir et les attentes sont un rejet de la réalité.

Devenir indifférent et renoncer à tout ce que tu veux dans la vie.

Ce n'est pas parce que tu lâches prise que tu t'en fous de tout.
Ce n'est pas parce que tu lâches prise que tu te laisses aller.
Ce n'est pas parce que tu lâches prise que tu renonces à tes rêves.

Si tu étais enfin détendu·e et dans l'acceptation... est-ce que tu renoncerais à la vie ?

Non ! Tu en profiterais un maximum.
Ce n'est pas parce que tu lâches prise que tu renonces à la vie et tout ce qui la rend belle.
Bien au contraire :

Accepter, ce n'est pas renoncer.



Que signifie lâcher prise ? Définition

Lâcher prise, c'est accueillir les choses comme elles viennent, en renonçant à nos pré-conceptions de ce qu'elles devraient être ou signifier.

Cette définition vient en deux parties complémentaires :

Comme le dit le moine bouddhiste Matthieu Ricard :

Lâcher prise, c'est dire oui à ce qui est.

Il y a cette notion d'accepter la réalité, les événements qui nous arrivent, "les choses" et de les accueillir comme elles viennent. Et ce, sans vouloir qu'elles soient différentes, sans chercher à ce qu'elles le soient... à quoi bon ? Elles sont comme ça et pas autrement.

Cependant, ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas agir pour changer une situation. C'est un point de vue pragmatique : on considère la situation comme elle est pour pouvoir la changer plus efficacement.

Mais il y a aussi la notion de deuil :

Lâcher prise, c'est faire le deuil de nos attentes.

Notre rapport au monde est constitué de nombreuses représentations mentales. Ce que j'appelle des pré-conceptions dans la définition :

1. Des représentations mentales sur ce que la réalité devrait plutôt être.

C'est ce que j'appelle des attentes :
Les gens devraient être plus gentils. Plus honnêtes. Plus authentiques.
La personne que j'aime devrait être plus ci, ou ça.

2. Des représentations mentales sur ce que la réalité signifie.

Dans 10 minutes, tu dois parler devant 1000 personnes. La peur te tord le ventre et t'enserre le coeur. C'est douloureux. Et la douleur peut s'arrêter là. Mais quand tu te mets à juger ta peur comme mauvaise parce qu'elle va te faire rater ton discours et qu'ensuite les gens vont te juger et ... tu rends cette peur bien plus douloureuse à cause de tes pensées.

Comme l'a dit Bouddha :

La douleur est inévitable mais la souffrance est facultative.

La souffrance, c'est ce que tu rajoutes en interprétant la douleur.
Ce sont des interprétations. Des jugements.

Tu juges la douleur comme douloureuse, et c'est ce qui la rend encore plus douloureuse.

En résumé :

  1. Les attentes, ce sont nos représentations mentales de ce que la réalité devrait être.
    Les autres devraient comprendre ce que je veux sans que j'aie à leur dire...
  2. Les interprétations, ce sont nos représentations mentales de ce que la réalité signifie.
    S'il pleut à mon mariage, alors il sera raté.


La trichotomie du contrôle

L'empereur romain Marc Aurèle a condensé la philosophie du lâcher prise dans cette citation :

Que la force me soit donnée de changer ce que je peux changer,
Le courage d'accepter ce qui ne peut l'être,
Et la sagesse de distinguer l'un de l'autre.

Marc Aurèle


Souvent quand on a du mal à lâcher prise, c'est qu'on cherche à changer ce qu'on ne peut pas changer :

  • Le passé
  • Nos émotions
  • Le comportement des autres

On rumine : Et si j'avais fait ça... que se serait-il passé ?
Sans réaliser que ce n'est plus dans notre zone de contrôle, et donc que ça ne sert à rien de le ressasser.

Les stoïciens ont élaboré un concept fondamental pour ça : la dichotomie du contrôle.
La dichotomie du contrôle énonce qu'il existe 2 types d'événements dans le monde :

  1. Ceux que l'on peut contrôler : nos actions, nos paroles et avec de la pratique, nos pensées.
  2. Ceux que l'on ne peut pas contrôler : la météo, les autres et le cours de la bourse.

Mais cette dichotomie est trop binaire. Par exemple, on ne contrôle pas le comportement des autres mais on peut quand même l'influencer. Les gens ne réagiront jamais exactement comme je voudrais, mais si j'insulte un inconnu dans la rue sans raison, il y a quand même peu de chances qu'il réagisse calmement.

C'est là qu'on introduit la trichotomie du contrôle avec 3 types d'événements :

  1. Ceux que l'on contrôle
  2. Ceux que l'on influence
  3. Ceux sur lesquels on n'a aucun contrôle


1. La zone de contrôle

Cette zone contient toutes les actions que tu contrôles directement :

  • Ce que tu dis
  • Ce que tu fais
  • Ce que tu penses (ce-dernier demande de l'entrainement)

Tu as un contrôle total sur ces actions et sur leur résultat.
C'est la zone sur laquelle tu ne dois pas lâcher prise, tout simplement parce que tu peux la contrôler.


2. La zone de non-contrôle

Cette zone contient tous les événements que tu ne contrôles pas :

  • La météo
  • L'économie
  • Les catastrophes naturelles

Bref, tout ce qui relève du hasard ou qui nécessiterait d'être omniscient pour être prévu.
Tout ce qui est touché par l'effet papillon.

C'est la zone sur laquelle tu dois lâcher prise.

Vient alors la zone la plus délicate...


3. La zone d'influence

Cette zone contient toutes les choses sur lesquelles tu as de l'influence, sans avoir un contrôle total :

  • Tes propres émotions (et donc celle des autres aussi)
  • Le comportement des autres
  • Les événements futurs
  • Ta santé
  • La politique (en votant notamment)

Dans cette zone, tu as un contrôle total sur tes actions qui vont avoir une influence sur le résultat, mais le résultat ne dépend pas entièrement de toi. C'est la zone la plus délicate car tu dois agir comme si c'était dans ta zone de contrôle, et lâcher prise sur les résultats comme si tu ne controlais rien.

Tu dois agir inconditionnellement, pour le simple fait d'agir pour ce qui te semble juste, quel que soit le résultat.

Prenons un exemple :
Tu fais un compliment à quelqu'un, parce que tu le penses.
Et ça va sûrement faire plaisir à la personne.

Mais peut-être pas.
Peut-être que la personne manque d'estime d'elle. Peut-être qu'elle ne peut pas s'imaginer que ce que tu dis puisses être vrai. Peut-être qu'elle va s'énerver contre toi parce qu'elle pense que tu te moques d'elle.
Et c'est ok.

Faire le compliment était dans ta zone de contrôle.
La réaction de la personne ne l'était pas.

Bien sûr, si la zone de contrôle est blanche et la zone de non-contrôle est noire, alors la zone d'influence couvre les 50 nuances de gris entre les deux.

Prenons la météo, qu'on ne contrôle pas :
Et pourtant même sur celle-ci nous avons une certaine influence : le réchauffement climatique dérègle le climat, et ce réchauffement est le fait de l'humanité, et a fortiori, de toi aussi.

Dans la zone d'influence, il faut agir comme si nous avions le contrôle total sur les résultats, et lâcher prise sur les résultats comme si nous n'avions aucun contrôle dessus.

C'est la zone la plus difficile à maîtriser. C'est à cause d'elle que nous avons tant de mal à lâcher prise.
Et bien souvent, quand on a tant de mal à lâcher prise, c'est qu'on pense avoir le contrôle sur certains événements alors qu'ils étaient seulement dans notre zone d'influence.


3 vérités difficiles qui t'empêchent de lâcher prise

Parmi nos représentations mentales qui nous font souffrir, certaines nous font croire à tort qu'on a du contrôle sur certaines choses. Apprendre à lâcher prise, c'est d'abord accepter ces 3 vérités :


1. Tu ne peux pas contrôler le temps

On a tendance à croire qu'on a le contrôle sur notre destinée. Et c'est vrai... En partie.
On a le contrôle de nos actions dans le présent. Ici et maintenant.
Et c'est tout.

Lâcher prise sur le temps, c'est accepter que :

  1. Le passé n'existe plus
  2. Le futur n'existe pas
  3. Rien ne sera jamais comme avant

A. Le passé n'existe plus

On a tendance à revisiter le passé à la lumière de ce qu'on sait qu'il s'est passé ensuite :
Et si j'avais fait ou dit ça à la place... que se serait-il passé ?
On vit alors dans le passé, en oubliant qu'on n'aurait jamais pu savoir ce qui allait se passer.
S'imaginer ce qu'on aurait fait en connaissant le futur est une chimère : le futur n'existe pas (pas encore).

On tombe alors dans des émotions qui nous retiennent dans le passé :

  • Les regrets
  • La rancoeur
  • La nostalgie
  • La culpabilité
  • L'envie de vengeance
On se berce de douces illusions en s'imaginant changer le passé, sans réaliser que le présent qu'on rate maintenant en vivant dans le passé, sera le passé que l'on voudra changer plus tard.

Le seul moment où tu peux vivre, c'est maintenant.
Alors qu'est-ce qui nous permettrait d'avancer ?
Le pardon.
Si simple dans l'idée et si difficile en pratique.
Tu revis ton passé encore et encore pour tenter de changer ce que tu n'arrives pas à te pardonner d'avoir fait, et ce que tu ne pardonnes pas aux autres de t'avoir fait vivre.

2. Le futur n'existe pas

Du moins... pas encore.

Tout ce qu'on s'imagine être le futur n'est que projections, ce n'est jamais la réalité. Ces films dans notre tête n'existent pas.
On confond alors nos projections imaginées avec ce qui se passera réellement... mais ça n'existe que dans notre tête, jamais dans la réalité.

Pour cette raison, la frise chronologique passé-présent-futur est un mensonge.

Une meilleure manière de te représenter le temps, c'est de t'imaginer assis en tailleur au centre d'une grande mare de 10 cm de profondeur :

Chaque fois que tu bouges, tu crées des ondes à la surface de l'eau.
Ces ondes représentent tes actions passées. Elle s'éloignent de plus en plus du présent.
Le présent, c'est toi, là, qui gigotes au milieu de la mare. Ce sont tes actions ici et maintenant qui créent les ondes qui s'éloigneront de toi.
Et le futur... il est seulement dans ta tête. Ce sont les ondes que tu t'imagines créer plus tard. Mais tu es seul·e au centre de l'eau, et les ondes futures n'existent pas.

Ce qui t'empêche de lâcher prise sur le futur, ce sont tes attentes que tu te crées en t'imaginant un potentiel futur.
Tes attentes te coincent dans ta tête et te rendent incapable de profiter de l'instant présent, parce qu'il ne coïncide jamais parfaitement avec ce que tu t'étais imaginé.


3. Rien ne sera plus jamais comme avant

La réalité est impermanente. Elle change tout le temps.
Ce qui fait que rien ne sera plus jamais comme avant...

Voici une phrase toute simple à garder en tête à tout moment :

Ceci aussi passera.

Le positif comme le négatif.

Le bonheur de la naissance de ton premier enfant...
Et la tristesse infinie de la mort de ton meilleur ami...

Ceci aussi passera.

Lâcher prise, c'est accepter profondément tout cela, pour vivre au seul moment où tu peux vivre :
Maintenant.
Accepter ce qui vient maintenant. Dire oui à ce qui est. Se laisser surprendre par le cours des choses.
Profiter de la joie, laisser passer la tristesse. Car tout passera.
Et tout ce que tu peux faire, c'est en profiter maintenant.


2. Tu ne peux pas contrôler les émotions

La raison pour laquelle on a autant de mal à accepter nos émotions, c'est qu'on pense que si on ne les accepte pas, elles partiront... Comme si on pouvait les contrôler.

Mais on ne peut pas contrôler nos émotions. On peut seulement les influencer.
Là aussi, on croit avoir un contrôle là où on en n'a pas.

Et si on croit avoir du contrôle, c'est parce qu'on a effectivement de l'influence sur nos émotions. Si je les exprime à l'écrit, il y a plus de chances que cette boule au ventre finisse par passer que si je la rejette. Mais rien n'est sûr. Et peut-être qu'elle restera plus longtemps.


3. Tu ne peux pas contrôler les autres

Je traîne cette citation depuis plus de 5 ans maintenant... Et elle reste toujours aussi difficile à accepter :

Tu ne peux pas changer les autres. Tu peux seulement les aimer.

Elle est difficile à accepter parce que nos actions ont de l'influence sur les autres. On interagit avec eux. Contrairement au temps et aux émotions, ils parlent, avec de vrais mots !! Et ils écoutent aussi ! On a tant de mal à l'accepter parce que parfois, on y arrive : on dit quelque chose, et la personne change. Parfois ça marche...
Alors on se dit que ça peut marcher d'autres fois !

C'est là toute la subtilité de la zone d'influence : certaines de nos actions peuvent changer le comportement des autres, mais le résultat final reste dans leur libre arbitre à eux. Pas à toi.

 

Comment apprendre à lâcher prise ?

Chaque fois que tu te surprends à ressasser le passé, à t'inquiéter pour le futur, à stresser dans le présent...
Chaque fois que tu te surprends à rejeter tes émotions et essayer de faire partir cette boule dans ton coeur...
Chaque fois que tu te surprends à ruminer sur ce que les autres ont fait et ce que tu aurais pu y changer...

Demande-toi :

Est-ce que je ne cherche pas à contrôler quelque chose qui est hors de mon contrôle ?

  • Les événements passés ou futurs ?
  • Les émotions ?
  • Les autres ?

Qu'est-ce qui est dans ma zone de contrôle ?

Fais ce que tu peux faire. Fais de ton mieux. Rien d'autre.

Qu'est-ce qui est hors de ma zone de contrôle ?

Lâche prise là-dessus.


À quoi ressemblera ta vie si tu lâches enfin prise ?

Quand on a un grand besoin de contrôle, quand on n'arrive pas à lâcher prise, on rejette la surprise. Parce que se laisser surprendre pourrait signifier perdre le contrôle. Alors on rumine, on stresse et on anticipe. C'est l'anxiété.

C'était mon cas, et ça l'est encore un peu.
La surprise était donc associée à du négatif dans ma tête.

Mais une fois, j'ai listé tous les moments positifs dans ma vie associés à la surprise et au lâcher prise. Et ce que j'ai découvert m'a surpris...

J'ai réalisé en relisant ma liste que les meilleurs moments de ma vie étaient arrivés quand je lâchais prise.
Tout était fluide et coïncidait parfaitement.

C'était là que j'avais les meilleures notes pendant mes études.
C'était là que je faisais mes plus belles rencontres.
C'était là que j'étais le plus confiant, le plus moi-même, et surtout le plus heureux.

Est-ce que tu apprendras à lâcher prise pour expérimenter cette sérénité par toi-même ?

Je ne peux pas répondre à ta place, ce n'est pas dans ma zone de contrôle.

Mais c'est dans la tienne.

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Loïc

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