Responsabilité émotionnelle : comment arrêter de culpabiliser (soi et les autres)

La respon­s­abil­ité émo­tion­nelle est cen­sée éviter la cul­pa­bil­i­sa­tion et autres com­porte­ments tox­iques… mais on l’ap­plique tous très mal. Telle­ment que ça en devient tox­ique :

“On est respon­s­able de nos émo­tions, mais pas de celles des autres”.

C’est vrai. Et pour­tant, ça ne nous autorise pas à insul­ter des incon­nus sous pré­texte qu’on n’est “pas respon­s­ables de leurs émo­tions”. Ni à nous cul­pa­bilis­er de nos pro­pres émo­tions…

La dis­tinc­tion est sub­tile. Et on tombe facile­ment dans un piège ou l’autre.

En voulant être respon­s­ables, en fait, on fait de la cul­pa­bil­i­sa­tion.

Je me suis fait avoir telle­ment de fois que j’ai décidé d’écrire cet arti­cle pour nous aider à mieux com­pren­dre cette dynamique et à gér­er nos émo­tions de manière plus sere­ine.

Pour qu’on arrête tous de se cul­pa­bilis­er et de faire cul­pa­bilis­er les autres.

Et pour faciliter l’in­té­gra­tion :

À la fin de l’ar­ti­cle, tu trou­veras un tableau et un sché­ma résumant toute la dynamique de la respon­s­abil­ité émo­tion­nelle.

Il n’y a pas de per­son­nes tox­iques. Il y a de la respon­s­abil­ité émo­tion­nelle mal gérée.

Et à ce compte-là, tant qu’on n’a pas fait un tra­vail dessus… on est tous tox­iques.

Alors faisons notre cure detox, ensem­ble.


C’est quoi la culpabilisation ?

La cul­pa­bil­i­sa­tion, c’est faire porter sur quelqu’un la respon­s­abil­ité d’une chose qui n’est pas de son ressort.

  • “Tu m’as mis en colère.”
  • “Tu m’as brisé le coeur.”
  • “Tu m’as fait peur.”

Sou­vent, quand on ressent de la colère sans com­pren­dre pourquoi, c’est que quelque part, il y a une cul­pa­bil­i­sa­tion dirigée vers nous. Ce n’est pas sys­té­ma­tique, mais c’est un bon indi­ca­teur :

La colère vient t’aider à bien dis­tinguer ce qui est de ta respon­s­abil­ité, et ce qui est de celle de l’autre. Elle vient rejeter la cul­pa­bil­ité illégitime.

Parce que sou­vent, on se sent coupables quand on prend des respon­s­abil­ités qui ne nous appar­ti­en­nent pas.

Alors pour arrêter la cul­pa­bil­i­sa­tion, on doit appren­dre à bien définir nos lim­ites…


Droit vers la culpabilisation : les 2 pièges de la responsabilité émotionnelle

Quand la lim­ite de la respon­s­abil­ité émo­tion­nelle n’est pas claire, soit on prend trop de respon­s­abil­ités, soit on en prend trop peu. Et dans tous les cas ça finit en cul­pa­bil­i­sa­tion.

Imag­i­nons que j’ai fait une blague pour taquin­er un ami, et cet ami l’a mal pris.


Cas n°1 : Je ne prends pas assez mes responsabilités.

L’a­mi en ques­tion peut ressen­tir de la colère, ou de la tristesse, ou autre. Il peut me dire qu’il n’a pas appré­cié ma blague pour telles et telles raisons. Il peut même me deman­der si je peux faire atten­tion avec lui à l’avenir parce que ce sujet est sen­si­ble pour lui.

Mais si je lui dis “Je ne suis pas respon­s­able de tes émo­tions” et que j’ig­nore sa demande…

C’est comme si je lui dis­ais “c’est ta faute si tu ressens ça”

C’est très vio­lent, et c’est faux.

C’est d’au­tant plus vio­lent que j’ai oublié de pren­dre cer­taines de mes respon­s­abil­ités… et que je les lui ai fait porter. En fait, je le cul­pa­bilise.


Cas n°2 : Je prends trop de responsabilités.

Quand on a bien retenu que les autres n’é­taient pas respon­s­ables de nos émo­tions, on tombe sou­vent dans le piège suiv­ant :

“Si je ne suis pas respon­s­able des émo­tions des autres…
Alors les autres ne sont pas respon­s­ables des miennes.
Donc si je ressens de la colère après sa blague, ce n’est pas de sa faute…
C’est de la mienne.”

En me dis­ant que les autres ne sont pas respon­s­ables de mes émo­tions, je nie l’im­pact que leurs actions peu­vent avoir sur moi.

Et si les autres ne sont pas la cause de mes émo­tions, qui l’est ?

En toute logique, c’est moi…

Mais en réal­ité, per­son­ne n’est coupable des émo­tions de per­son­ne. Je pense me respon­s­abilis­er alors qu’en fait, je me cul­pa­bilise.


Qu’est-ce que la responsabilité émotionnelle ?

La respon­s­abil­ité émo­tion­nelle, c’est donc :

  1. Pren­dre con­science que tu es respon­s­able de gér­er tes émo­tions, mais pas celles des autres.
  2. Garder en con­science que les autres ont aus­si des besoins, et que tes actions peu­vent ne pas en pren­dre soin.

Sou­vent, on com­prend mal la respon­s­abil­ité émo­tion­nelle pour 3 raisons :

  1. On con­fond la cul­pa­bil­ité et la respon­s­abil­ité.
  2. On imag­ine que nos émo­tions arrivent par notre faute ou celle des autres.
  3. On nie l’in­flu­ence de nos actions sur les émo­tions des autres, et inverse­ment de leurs actions sur les nôtres.

La respon­s­abil­ité émo­tion­nelle, c’est donc bien dis­tinguer ces 2 zones :

Schéma responsabilité émotionnelle VS culpabilité :: ce qui t'appartient et ce qui ne t'appartient pas

1. Tu es respon­s­able de tout ce qui t’ap­par­tient (la zone en bleu à droite) :

  • Tes émo­tions
  • Tes besoins
  • Tes pen­sées
  • Tes actions
  • Tes paroles
  • Tes déci­sions

Respon­s­able, dans le sens où c’est à toi de les gér­er et de les assumer en faisant ce qui est dans ton con­trôle (agir, par­ler, décider).

Mais tu n’es pas respon­s­able de ce qui ne t’ap­par­tient pas (la zone en vert, à gauche).

Tu prends donc toute ta respon­s­abil­ité pour tes actions et réac­tions, et tu laiss­es l’autre faire de même pour les siennes.


2. La cul­pa­bil­i­sa­tion, c’est quand on te tient coupable de ce que tu ne con­trôles pas :

  • Tout ce qui appar­tient à l’autre (ses émo­tions, besoins, pen­sées, actions, paroles, déci­sions)
  • Tout ce qui t’ap­par­tient mais que tu ne con­trôles pas (tes émo­tions et besoins)

Coupable dans le sens où “tu en serais la cause”… mais tu ne peux pas être coupable de ce que tu ne con­trôles pas.


3. Enfin, quand on ne prend pas la respon­s­abil­ité de nos actions et du fait qu’elles peu­vent avoir une influ­ence néga­tive sur les besoins des autres, on cul­pa­bilise l’autre de ressen­tir ce qu’il ressent et on nie notre respon­s­abil­ité dans la sit­u­a­tion.

La fron­tière est fine : on n’est pas respon­s­able des émo­tions des autres, mais on joue quand même un rôle dedans. C’est en gar­dant ce rôle en tête qu’on ne devient pas des manip­u­la­teurs insen­si­bles.


Ça, c’é­tait la vue d’ensem­ble. Main­tenant on va creuser en finesse cha­cune des 3 raisons qui nous empêchent de bien appli­quer la respon­s­abil­ité émo­tion­nelle :

  1. On con­fond la cul­pa­bil­ité et la respon­s­abil­ité.
  2. On imag­ine que nos émo­tions arrivent par notre faute ou celle des autres.
  3. On nie l’in­flu­ence de nos actions sur les émo­tions des autres, et de leurs actions sur les nôtres.


Arrêter la culpabilisation en comprenant les subtilités

La différence entre culpabilité et responsabilité

Imag­i­nons que je trou­ve un bébé lais­sé dehors, sur mon palier.

Je reprends l’ex­em­ple du livre The Sub­tle Art of Not Giv­ing a Fuck de Mark Man­son.

Nora dans The Leftovers pour la différence culpabilité responsabilité émotionnelle

Comme Nora qui trou­ve un bébé sur son palier, dans la sub­lime série The Left­overs sur HBO

Ce n’est pas de ma faute si le bébé a été lais­sé là. Je n’en suis pas coupable.

Par con­tre, c’est désor­mais à moi de pren­dre cette sit­u­a­tion en main. J’en suis respon­s­able.

La cul­pa­bil­ité, c’est au passé. La respon­s­abil­ité, c’est au présent.

Mark Man­son

La cul­pa­bil­ité, c’est ce que tu as fait. C’est une ques­tion de cause.
Est-ce que tu as vrai­ment causé ce qu’on te reproche ?

La respon­s­abil­ité, c’est ce que tu en fais main­tenant. C’est une ques­tion de con­séquences.
Est-ce que c’est à toi de gér­er les con­séquences de cette sit­u­a­tion ?

Par exem­ple, on n’est pas coupables des claques de la vie qu’on a reçues.

Mais ce qui est sûr, c’est qu’on est respon­s­ables de ce qu’on en fait main­tenant.


Quand on cul­pa­bilise de ressen­tir une émo­tion ou de la faire ressen­tir à l’autre, c’est qu’on pense l’avoir causée. Mais met­tons nous d’ac­cord :

Pour qu’on soit la cause des émo­tions, il faut qu’il y ait un lien de cause à effet :

Chaque fois que je dis cette blague à une nou­velle per­son­ne
=> Cette per­son­ne ressent l’é­mo­tion X

Mais même si 90% des gens ressen­tent de la colère en enten­dant cette blague, peut-être que 10% des gens vont l’ap­préci­er et rire… ou ne rien ressen­tir parce qu’ils sont morts à l’in­térieur.

Il y a une cor­réla­tion entre nos actions et les émo­tions, mais il n’y a pas de causal­ité

En l’oc­cur­rence, c’est le fameux “On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.”

Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de causal­ité qu’on a le droit de faire et dire n’im­porte quoi. Et ça, j’en par­le un peu plus loin.


En fait,

  • notre cul­pa­bil­ité repose unique­ment sur ce dont on est la cause, et donc ce que l’on con­trôle
  • notre respon­s­abil­ité repose seule­ment sur ce qui nous appar­tient

Alors, qu’est-ce qui nous appar­tient, et qu’est-ce que l’on con­trôle vrai­ment ?


La dichotomie du contrôle

Dans la vie, il y a ce qu’on con­trôle, et ce qu’on ne con­trôle pas. C’est ce que les stoï­ciens de l’An­tiq­ui­té appelaient la dichotomie du con­trôle.

Ce sur quoi nous avons du con­trôle, ce sont :

  • Nos actions
  • Nos paroles
  • Nos déci­sions
  • Nos pen­sées

Bien sûr, on peut agir, par­ler, ou penser de manière automa­tique. Mais parce que nous avons une con­science, quand on décide de les con­trôler, on en prend le con­trôle.

Ce sur quoi nous n’avons pas de con­trôle, ce sont :

  • Les autres, leurs réac­tions et leurs émo­tions
  • Les événe­ments, le passé et le futur
  • Nos pro­pres émo­tions
  • Tout le reste

On dis­tingue ain­si ce qui est dans notre zone de con­trôle, et ce qui ne l’est pas.


On peut être coupable unique­ment de ce que l’on con­trôle :

Nos actions, nos paroles, nos déci­sions.

Et donc, si on te fait porter la cul­pa­bil­ité d’autre chose que ces trois-là, c’est de la cul­pa­bil­i­sa­tion.

Con­cer­nant tes pen­sées, toi seul·e les con­nais. Donc tant que tu ne les extéri­oris­es pas sous forme d’ac­tions ou de paroles… on ne peut pas t’en tenir rigueur. Et ceux qui le font ne font qu’imag­in­er tes pen­sées. Ce sont leurs inter­pré­ta­tions, pas la réal­ité.


Personne n’est coupable des émotions de personne

Con­cer­nant les émo­tions, on ne peut donc pas en être tenu coupable :

Nous n’avons du con­trôle ni sur nos émo­tions, ni sur celles des autres.

  • Essaie de t’empêcher de stress­er avant d’af­fron­ter ta plus grande peur… Tu ver­ras si tu peux con­trôler ton émo­tion.
  • Essaie de dire “Calme toi” à quelqu’un en colère… Tu ver­ras si tu peux con­trôler son émo­tion.

Les émo­tions échap­pent à notre con­trôle.

Nous ne sommes donc pas coupables de ressen­tir telle ou telle chose.

Nous ne sommes pas non plus coupables de ce que ressen­tent les autres.

Per­son­ne n’est coupable des émo­tions de per­son­ne.


Je suis responsable de mes émotions, mais pas de celles des autres

Con­cer­nant la respon­s­abil­ité :

Nous sommes respon­s­ables unique­ment de ce qui nous appar­tient.

C’est-à-dire tout ce que l’on con­trôle + notre corps, nos émo­tions, nos besoins, nos pen­sées…

Schéma responsabilité émotionnelle VS culpabilité :: ce qui t'appartient et ce qui ne t'appartient pas

Nous sommes respon­s­ables de nos émo­tions et de ce que nous en faisons, parce qu’elles nous appar­ti­en­nent.

C’est nous qui les ressen­tons, alors qui d’autre que nous pour­rait mieux savoir com­ment y réa­gir ?

En fonc­tion de ces émo­tions, on peut effectuer des actions dans notre zone de con­trôle pour agir en con­séquence. C’est ça être respon­s­able de ses émo­tions.

Pour être plus con­cis :

On est respon­s­ables de ce qu’on fait de nos émo­tions.


En cohérence avec l’idée précé­dente,

Nous ne sommes pas respon­s­ables des émo­tions des autres, parce qu’elles ne nous appar­ti­en­nent pas.

On n’a aucune oblig­a­tion à réa­gir à leurs émo­tions. On ne les ressent pas, on n’est donc pas les mieux placés pour savoir quoi faire. Ça ne nous appar­tient pas.

Ça veut dire que si une per­son­ne est triste à côté de toi, il n’y a aucune rai­son extérieure à toi qui t’oblige à la récon­forter. De même si elle a peur, ou si elle est en colère.

Bien sûr, elle n’est pas coupable de ses émo­tions. Elle ne les a pas choisies. Mais :

C’est sa respon­s­abil­ité de faire quelque chose de ses émo­tions.


En délim­i­tant une fron­tière claire et saine entre nos émo­tions et celles des autres, cha­cun prend la respon­s­abil­ité des siennes, et les choses vont bien…


Et pourtant, nous ne sommes pas des machines insensibles

Si l’autre à côté de nous est triste, on va ressen­tir de la tristesse.

Si l’autre est en colère, on va ressen­tir de la ten­sion.

Si l’autre a peur, on va le ressen­tir aus­si.

On est per­méables aux émo­tions des autres.

Et on ne va pas faire sem­blant que leurs émo­tions n’ont aucun impact sur les nôtres. Ni que leurs actions sont neu­tres sur nos ressen­tis.

C’est faux : rien n’est neu­tre.

C’est là qu’il est per­ti­nent de se deman­der :

Mais en fait, qu’est-ce qui provoque nos émo­tions ?


Quand on a l’élan d’aider la per­son­ne triste à côté de nous, ce n’est pas parce que c’est notre respon­s­abil­ité de l’aider. C’est à elle de gér­er son émo­tion.

Si on ressent cet élan, c’est parce qu’on a un besoin de pren­dre soin, de con­tribuer, et ce besoin là nous appar­tient. Il n’ap­par­tient pas à l’autre.

(D’ailleurs l’autre a tout a fait le droit de refuser ton aide. Sinon tu tombes dans le côté mal­sain du syn­drôme du sauveur.)

C’est ce besoin, cet élan de con­tribuer qui fait qu’on ne veut pas faire de mal aux autres, et qu’au con­traire, on leur veut du bien.

Si on cherche un coupable à nos émo­tions, il est donc tout trou­vé : ce sont nos besoins.


La frise chronologique des émotions

Les émo­tions ne sor­tent pas de nulle part. Elles sont déclenchées par un stim­uli :

Il se passe quelque chose. Un fait, une action, une pen­sée.

  • Tu pens­es à ce tra­vail que tu dois ren­dre pour lun­di.
  • Quelqu’un racon­te une blague qui te touche.
  • Un pigeon te chie dessus.

C’est le stim­u­lus : LA chose qui appuie à un endroit chez toi et qui déclenche l’é­mo­tion.

Stim­u­lus -> Émo­tion

Mais atten­tion !

Le stim­u­lus précède l’é­mo­tion, mais il ne la cause pas. Il y a cor­réla­tion, mais pas causal­ité.

Stim­u­lus ≠> Émo­tion

Ce qui cause l’é­mo­tion, c’est ce sur quoi vient appuy­er le stim­u­lus.


Ce sont nos besoins fon­da­men­taux. Qu’ils soient psy­chologiques, ou phys­i­ologiques.

Tous comme les plantes ont besoin d’eau, de soleil, d’air et de nutri­ments… Nous avons besoin de nour­ri­t­ure, d’amour, de sécu­rité, d’ap­par­te­nance, de con­nex­ion, de con­fi­ance, d’es­time, de respect, de partage, de lib­erté, d’e­space, de mou­ve­ment, d’ex­pres­sion, d’ac­com­plisse­ment, de con­tribuer… Il y en a des cen­taines.

Besoin => Émo­tion

Là, il y a un lien de cause à effet :

  • Quand une émo­tion est agréable, c’est parce qu’un besoin chez nous a été nour­ri.
  • Quand une émo­tion est désagréable, c’est parce qu’un besoin chez nous n’a pas été nour­ri.

La joie est une émo­tion agréable. Elle indique un besoin nour­ri.

La colère, la peur, la tristesse et le dégoût sont des émo­tions désagréables. Elles indiquent un besoin non nour­ri.


Nos besoins relèvent de notre respon­s­abil­ité.

On ne les con­trôle pas : tout comme nos émo­tions, on n’en est pas coupable.

Mais on est respon­s­able de la façon dont on les nour­rit.

Et la façon dont on les nour­rit, c’est ce qu’on appelle en CNV une stratégie.
(CNV = Com­mu­ni­ca­tion Non Vio­lente).

Stratégie ≠ Besoin

C’est le besoin nour­ri ou non qui va causer l’é­mo­tion.

C’est lui le coupable.

… si tant est qu’on cherche un coupable.

Besoin a tué l’é­mo­tion “Moutarde au nez” avec le chan­de­lier.


On a donc le sché­ma suiv­ant :

Stim­u­lus -> Besoin => Émo­tion

Le stim­u­lus vient appuy­er sur un besoin et le nour­rir ou non, ce qui va causer l’é­mo­tion.

Mais quelle est le rôle de l’autre dans tout ça ?

On ne peut quand même pas aller insul­ter les gens dans la rue sans scrupule parce que “la la la on n’est pas respon­s­able de leurs émo­tions”. Effec­tive­ment.


Entre ce qui nous appar­tient, et ce qui appar­tient à l’autre, il y a une inter­face.


L’interface de la zone d’influence

Si tu vas dans la rue et que tu insultes quelqu’un au pif, dis­ons qu’il y a 99% de chances pour qu’il le prenne mal.

Je ne suis pas allé mesur­er ce chiffre, mais je t’en prie, fais-le : “Pour la sci­ence.”

On ne peut pas nier que notre action d’in­sul­ter l’autre a une influ­ence sur l’é­mo­tion de l’autre. Elle ne la cause pas, mais elle a une influ­ence. Si elle la cau­sait, ce chiffre serait à 100%.

En l’oc­cur­rence, comme ce chiffre n’est pas à 100%, ça sig­ni­fie que nos actions ont seule­ment une influ­ence sur les émo­tions des autres, et pas un impact direct. C’est ce qu’on a vu plus haut.


Que se passe-t-il avec les 1% restant ?

Peut-être que ces 1% étaient de bonne humeur.

Peut-être qu’ils sor­taient d’un ren­dez-vous amoureux fab­uleux et que rien, absol­u­ment rien ne pou­vait entach­er cette joie.

Peut-être qu’ils attendaient une occa­sion de pra­ti­quer leur résilience émo­tion­nelle.

Peut-être qu’ils attendaient un signe de l’u­nivers, et que c’é­tait ça qu’ils avaient imag­iné.

Peut-être qu’un pigeon venait de chi­er sur leur pire enne­mi.

Quoi qu’il en soit, l’ac­tion de les insul­ter ne les a pas fait mal réa­gir :

  • Soit c’é­tait neu­tre, ça ne venait pas appuy­er sur un besoin par­ti­c­uli­er.
  • Soit ça leur a don­né de la joie : ça venait nour­rir un de leurs besoins.

Et pour­tant, ce n’est pas pour ces 1% qu’on peut se per­me­t­tre d’in­sul­ter les gens dans la rue sous pré­texte qu’un pigeon vient de “combler son besoin d’é­vac­u­a­tion” juste au-dessus de nous :

Il y a une inter­face entre nos actions et leur impact sur ce qu’on ne con­trôle pas :

C’est l’in­ter­face d’in­flu­ence.

Sur le sché­ma, c’est la ligne en pointil­lés (3) :

Schéma responsabilité émotionnelle

L’autre à gauche fait une action, et cette action vient sor­tir de sa zone de con­trôle pour tra­vers­er l’in­ter­face d’in­flu­ence et venir influ­encer les émo­tions et besoins de l’autre.

Ce qu’il se passe à cette inter­face n’est ni la faute de l’autre, ni la tienne. On ne peut pas prévoir à coup sûr ce qu’il va se pass­er… En ça, per­son­ne n’en est coupable : on ne pou­vait pas savoir…

… mais il y a quand même des prob­a­bil­ités plus ou moins grandes.

Par exem­ple ces 99% de chances que la per­son­ne réagisse mal si on l’in­sulte.

Par­fois, les prob­a­bil­ités sont moins claires : c’est plus du 47–53%, ou quelque chose comme ça.

Bien sûr, ces prob­a­bil­ités sont seule­ment à l’é­tat d’in­tu­itions, il n’y a rien de tan­gi­ble, rien de pré­cis, et c’est soumis à ta seule éval­u­a­tion.

On peut avoir con­science de cer­taines de ces prob­a­bil­ités, et agir en con­séquence. Par exem­ple ne pas dire notre blague si on sent qu’elle risque d’im­pacter néga­tive­ment les besoins de l’autre…

Mais le but n’est pas non plus qu’on se cen­sure en marchant sur nos besoins.

Si ta blague vient se moquer du physique de l’autre par exem­ple, et bien les prob­a­bil­ités sont rarement de ton côté… mais tu ne sais jamais, et cer­tains adoreront que tu les taquines. Tout dépend aus­si de ton inten­tion.

Encore une fois, ces prob­a­bil­ités sont soumis­es à ta seule éval­u­a­tion.

En soi, c’est ça l’in­tel­li­gence sociale : avoir con­science de toutes ces prob­a­bil­ités, et agir de manière appro­priée pour les besoins de l’autre, mais aus­si les nôtres.

La vie est ain­si faite : un équili­bre com­plexe entre pren­dre soin de nos besoins et pren­dre soin de ceux des autres.

À l’in­stant t, on fait donc au mieux selon nos ressources et notre con­science de ces prob­a­bil­ités pour trou­ver une manière qui prend soin de nos besoins et de ceux des autres.

Et si mal­gré tout l’autre est blessé, ça reste sa respon­s­abil­ité de nous le dire, de le gér­er.

Pren­dre la respon­s­abil­ité de nos actions, c’est donc assumer qu’on a fait cette action, et garder en con­science que cer­taines actions peu­vent avoir un impact négatif sur les besoins des autres. Nous rap­pel­er qu’elles ont une influ­ence, et des prob­a­bil­ités.

Et ensuite, on fait de notre mieux. L’autre aus­si.

Pour vivre comme on peut, ensem­ble et heureux.


Comment arrêter la culpabilisation : résumé en schéma

On par­le beau­coup des per­son­nal­ités tox­iques. Je n’y crois pas. Il n’y a pas de per­son­ne tox­ique, il y a des com­porte­ments tox­iques.

On est tous tox­iques pour notre entourage, du moins tant qu’on n’a pas fait un gros tra­vail de pren­dre la respon­s­abil­ité de nos émo­tions, de ce qui nous appar­tient… et nous arrêter là.

La respon­s­abil­ité émo­tion­nelle, c’est :

  • Pren­dre la respon­s­abil­ité de ce qui t’ap­par­tient
  • Ne pas pren­dre la respon­s­abil­ité de ce qui ne t’ap­par­tient pas
  • Garder en con­science l’in­flu­ence de tes actions sur ce qui appar­tient à l’autre.

Tout repose sur la dis­tinc­tion entre ce qui t’ap­par­tient et ce qui appar­tient à l’autre (pen­sées, émo­tions, actions) :

Schéma responsabilité émotionnelle VS culpabilité :: ce qui t'appartient et ce qui ne t'appartient pas

Quand on ne fait pas cette dis­tinc­tion, ça finit en cul­pa­bil­i­sa­tion : de toi, ou de l’autre.

En pra­ti­quant cette dis­tinc­tion au quo­ti­di­en, tu arriveras petit à petit à te détach­er de ce que les autre dis­ent et pensent de toi.

Ce n’est pas que tu y seras insen­si­ble comme un méchant Dis­ney, sim­ple­ment tu y accorderas moins d’im­por­tance que ce que toi tu pens­es et dis de toi-même.


Ça te parait bien ?

Alors résumons tout ça avec notre exem­ple ini­tial et notre sché­ma :

Schéma responsabilité émotionnelle

J’in­verse donc la sit­u­a­tion ini­tiale : l’autre te fait une blague sur tes com­pé­tences, et tu n’ap­pré­cies pas.

L’autre est en vert, c’est la par­tie de gauche.

Toi tu es en bleu, c’est la par­tie de droite.


(1) D’abord, l’autre a été motivé à faire cette blague par des besoins (qu’il ne con­trôlait pas) : par exem­ple un besoin de jeu ou de rire, ou un besoin de com­mu­ni­ca­tion (s’il avait un mes­sage mal­heureux à te faire pass­er).

(2) Mais c’é­tait lui qui con­trôlait et qui choi­sis­sait sa stratégie pour nour­rir ce besoin, en l’oc­cur­rence, faire cette blague. La blague, c’est le stim­u­lus de ton émo­tion. Ce sont les paroles de l’autre. Elles sont de sa respon­s­abil­ité parce qu’elles sont dans sa zone de con­trôle.


(3) Main­tenant cette blague sort de la zone de con­trôle de l’autre et passe à tra­vers l’in­ter­face de la réal­ité. Elle vient influ­encer tes besoins, émo­tions et pen­sées sans que ni toi, ni l’autre ne puisse rien y faire, sans qu’on puisse prédire le résul­tat à coup sûr.

Il y a quand même des prob­a­bil­ités, et l’in­tel­li­gence sociale c’est les garder en con­science. Mais tu ne peux jamais être sûr.

À l’in­stant t, on fait donc au mieux selon nos ressources et notre con­science de ces prob­a­bil­ités pour trou­ver une manière qui prend soin de nos besoins et de ceux des autres.

Et si jamais on n’ar­rive pas à pren­dre soin de ceux des autres ?

Ils sont respon­s­ables de nous le dire, et on est respon­s­able d’a­juster ou non.


(4) En l’oc­cur­rence, la blague venait par­ler de ta per­son­ne. L’in­ten­tion de l’autre était peut-être inno­cente, il voulait juste te taquin­er… mais sur le coup, ta con­fi­ance en toi était à vide. La blague a appuyé dessus et ça t’a fait mal. Tu avais donc un besoin de con­fi­ance en toi. Il n’a pas été nour­ri par ce stim­u­lus et ton besoin non nour­ri a causé chez toi une émo­tion : par exem­ple de la tristesse, ou de la colère. Per­son­ne ne pou­vait le prédire, ce n’est donc ni de ta faute, ni de celle de l’autre.

(5) En prenant la respon­s­abil­ité de tes émo­tions, tu décides de dire à l’autre que tu avais un besoin de con­fi­ance en toi, et que sur le coup sa blague est venue appuy­er dessus. Tu lui deman­des s’il est d’ac­cord pour te dire ce qu’il voulait dire par là. Cette ques­tion est dans ton con­trôle, mais sa réponse ne l’est pas.


(1) L’autre peut ressen­tir de la colère en enten­dant cette demande. Peut-être que ça le remet en ques­tion. Ce n’est pas de sa faute s’il ressent cette colère, mais c’est à lui de la gér­er.

(2) Il choisit com­ment il réag­it à son émo­tion de colère et à ta demande : c’est sa respon­s­abil­ité, pas la tienne. Il peut par exem­ple te dire ce qu’il ressent, et pourquoi.

Ensem­ble, vous pou­vez ajuster… et ain­si, un dia­logue s’in­stalle.


Moi

L’autre

Je suis respon­s­able de mes actions, paroles, pen­sées et déci­sions.

Il est respon­s­able de ses actions, paroles, pen­sées et déci­sions.

Mes émo­tions ne sont pas là par ma faute ni celle de qui que ce soit.

Je ne suis pas coupable de ses émo­tions.

Mais je suis respon­s­able de ce que j’en fais.

Je ne suis pas non plus respon­s­able de les gér­er ou d’y réa­gir.

L’autre n’est ni coupable ni respon­s­able de mes émo­tions.

Ses émo­tions ne sont pas là par sa faute ou celle de qui que ce soit.

Il est respon­s­able de ses actions, et celles-ci ont un impact sur moi.

Je garde en con­science que mes actions peu­vent avoir une influ­ence sur ses émo­tions.

On n’est coupable d’au­cune émo­tion et on est respon­s­able des nôtres.
On essaie d’a­gir en gar­dant en con­science nos besoins et ceux des autres.

C’est aus­si sim­ple et aus­si com­pliqué que ça.
Reste plus qu’à l’ap­pli­quer.

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Loïc

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  • J ai un sen­ti­ment de cul­pa­bil­ité quand j ai pas ce que j aurai pu faire sur le moment ex : pro­pos­er mon aide a quelqu un qui aurait pu en avoir besoin ex per­son­ne chargée a qui j aurai pu lui pro­pos­er d’ou­vrir les portes ou le faire tout simplement.je n ai pas pen­sé à le pro­pos­er ni a le faire car sur le moment j étais cen­trée sur ce qui me pre­ocu­pait : finir mon tra­vail. Du coup j ai un sen­ti­ment qui me dit que a ce moment pré­cis j aurai pu mieux agir. De ce fait j’ai envie de le ver­balis­er a la per­son­ne en m excu­sant de ne pas lui avoir pro­posé mon aide. Ce que je ressens de cul­pa­bil­ité s en ira je pense.vivement demain que je puisse le lui dire.

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